Sur la Toile, pas de bousculade ni de racket comme dans une cour d'école, mais des rumeurs, des calomnies et des insultes, des photos et vidéos intimes, mises en ligne sans l'accord des intéressés. Un phénomène inquiète aujourd'hui experts, enseignants et familles en France : la place prise par le "cyber-harcèlement". Difficile, parfois, de distinguer ce qui relève du jeu entre adolescents, sur les réseaux sociaux, et ce qui va au-delà. "Les harceleurs ont leurs méthodes, explique Justine Atlan, directrice de l'association e-Enfance. Ils peuvent aller sur un profil, et l'inonder de commentaires insultants. Ou inventer un profil, et y poster des commentaires pour faire passer une camarade pour aguicheuse, un camarade pour agressif. Certains sont capables de pirater les comptes d'un ou d'une "ex"..."
"On ne peut pas affirmer que la violence est plus grande sur Internet, car les évaluations sont en cours, affirme Catherine Blaya, professeure en sciences de l'éducation et spécialiste du cyber-harcèlement, mais il faut bien reconnaître que le Web a un effet désinhibiteur, et que les effets de dissémination sont plus importants quand, en un clic, toute la communauté peut être alertée, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7." Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie et président de l'Association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves, dresse un constat peu différent : "Il est plus simple de passer à l'acte quand on ne voit pas sa victime, et la trace laissée sur la Toile est... tenace."Facebook, de son côté, met en avant ses "outils de signalement". "Ils sont à disposition de chaque utilisateur sur pratiquement chaque page, explique Anne-Sophie Bodry, directrice des affaires publiques du réseau social pour la France et l'Europe du Sud. Un outil s'adresse spécifiquement aux mineurs, les engageant, lors d'un signalement, à prévenir l'adulte ou l'ami de leur choix."
Est-ce suffisant ? "Prétendre contrôler l'usage que fait un adolescent des réseaux sociaux est un peu illusoire", répond Olivier Rafal, expert en réseaux sociaux. Un compte bloqué ? Pas difficile d'en rouvrir un. Un filtre parental ? Encore faut-il que les jeunes se connectent depuis l'ordinateur familial. "Les opérateurs peuvent surveiller les contenus, c'est techniquement possible, note M. Rafal, mais cela soulève des problèmes d'ordre éthique. La seule vraie solution passe par l'éducation."
Le ministère de l'éducation s'apprête, mardi 24 janvier, pour la quatrième fois en deux ans, à communiquer sur la lutte contre le harcèlement entre élèves à l'école. Nombre d'établissements et d'académies - Paris, Versailles... - sont déjà mobilisés. Des interventions auprès des élèves sont engagées. Et des enquêtes de victimation prévues tous les deux ans. "On est sur la bonne voie, note le sociologue Eric Debarbieux, président de l'Observatoire international de la violence à l'école. Il reste encore beaucoup à faire en matière de formation des enseignants et d'actions éducatives entre la famille et l'école, pour favoriser le vivre-ensemble." Pas de recettes miracles, mais un accompagnement sur le long terme. Et de la patience : la Finlande et le Royaume-Uni ont mis dix à vingt ans pour faire baisser le harcèlement... de moitié.
Comparée aux pays scandinaves et anglo-saxons, la France a tardé à prendre en considération le harcèlement entre élèves. A cesser de banaliser les vexations et brimades, qui concernent un élève sur dix, selon Eric Debarbieux. Un sur vingt de manière sévère. "Nous avons longtemps pensé la violence à l'école comme quelque chose d'intrusif, le fait d'élèves extérieurs, explique le sociologue, alors que le harcèlement est interne à l'école, à toutes les écoles."
"Du côté des adultes, il y a eu et il y a encore une sous-évaluation de la souffrance causée par ces "microviolences", ajoute Nicole Catheline, pédopsychiatre au centre hospitalier Henri-Laborit de Poitiers. On se dit que c'est l'école de la vie, qu'il faut souffrir pour apprendre... Les enfants, eux, subissent en silence, un peu par peur, un peu par honte."
En 2011, la remise de deux rapports et la tenue d'Assises nationales sur le harcèlement ont réveillé l'opinion. Si un très grand nombre d'enfants se sentent bien à l'école, certains y ont peur. Seule la moitié des écoliers n'a jamais connu de violences verbales (moqueries, insultes) ou physiques (coups, bagarres). Avec pour conséquences, absentéisme, déscolarisation, stress, dépression... Et parfois pire. A la veille de la rentrée scolaire, le 3 janvier, Pauline, 12 ans, s'est ainsi donné la mort avec le fusil de chasse de son père. Selon sa mère, l'adolescente, en 6e dans un collège de Lens (Pas-de-Calais), était harcelée par des camarades.
Mattea Battaglia
| 23.01.12
1 comentari:
Un dels blocs més impressionant que he vist. Moltes gràcies per mantenir el internet amb classe per a un canvi. Youve aconseguir estil, classe, bravura. Ho dic de debò. Si us plau, segueixin així, perquè sense l'Internet és definitivament sense intel · ligència.
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